Adapter Les Ailes du désir aujourd’hui.
En adaptant les Ailes du désir au théâtre, je souhaite raconter l’histoire du film, mais aussi convoquer les questions et les émotions qu’il a provoquées en moi. Ce qui me touche dans ce film, c’est avant tout l’histoire de Damiel qui, d’ange éternel et immortel, choisit de devenir un être humain. Cette histoire pourrait être celle de tout un chacun qui décide de conquérir sa propre vie.
De plus cette oeuvre entre en résonance avec mon travail en général, qui se concentre principalement sur le jeu d’acteur : qu’est-‐ce qu’incarner un personnage? Comment faire pour que le texte semble à chaque instant inventé? Comment mettre l’acteur au moment présent, le plongeant parfois inévitablement au coeur de ses contradictions, dans une dynamique d’étonnement sans cesse renouvelée?
C’est ce travail qui est au coeur de ma démarche artistique. C’est cette quête aussi qui anime le personnage de l’ange Damiel dans Les Ailes du désir lorsqu’il rêve de s’incarner, de quitter son moi éternel pour enfin dire « maintenant ».
Enfin, ce film qui parle de ce que signifie « être humain», qui rappelle les murs que nous construisons entre nous, ce film qui dépeint la solitude des êtres et appelle à trouver une entente possible entre eux, résonne profondément aujourd’hui. En effet, cette histoire qui se déroule dans Berlin avant la chute du Mur, une ville divisée et dévastée, se fait le miroir des divisions que l’on retrouve aujourd’hui à toutes les échelles de nos sociétés : au niveau politique, social et même individuel. Les Ailes du désir sont alors comme une invitation à sortir de nos solitudes, à abattre nos frontières pour nous élever et « avoir une meilleure vue d’ensemble ».
Les Ailes du désir, un spectacle pluridisciplinaire entre théâtre, cirque et musique.
Cette histoire d’anges et d’incarnation pose des questions particulièrement intéressantes au théâtre : Comment représenter un ange? Comment donner à voir l’invisible? Comment distinguer le monde des anges et le monde des humains? Comment traiter l’apesanteur et l’ubiquité des anges ? Comment leur faire traverser les murs du théâtre? Ou encore comment exprimer une pensée ? Qui, de l’ange qui l’entend ou de l’être qui la pense, doit l’énoncer ? Et comment ?
Autant de questions qui trouvent des solutions « cinématographiques » dans le film, mais que nous choisissons de traiter ici par les moyens du théâtre, par l’aérien et par la musique.
En effet, pour Damiel, la rencontre avec l’aérien va être déterminante dans son désir de s’incarner. C’est en observant Marion s’entraîner sur son trapèze à des suspensions et à des chutes, en la voyant défier les lois de la pesanteur, qu’il va avoir envie à son tour d’être un corps qui éprouve et qui ressent.
Puis c’est sa rencontre avec la musique -‐parce qu’elle est la forme la plus poussée de l’expression des sentiments, et même du plus intime, et parce qu’elle offre un langage commun qui réunit tous les êtres-‐ qui va le déterminer à passer le pas.
Pendant ce temps, l’autre ange, Cassiel, continue son existence d’être éternel, errant dans Berlin à la recherche des traces du passé et de la beauté du présent, non sans douter parfois, mais déterminé à chercher encore à sa façon un chemin pour l’humanité…